Ebola: il ne faut pas abattre le chien de l'infirmière espagnole, ne serait-ce que pour des raisons scientifiques
L'appel du mari de l'infirmière espagnole infectée par le virus Ebola, relayée sur Facebook par une association pour la protection des animaux. |
Selon des informations d'El Mundo, le chien en question aurait été euthanasié ce 8 octobre, à l'hôpital vétérinaire de l'université Complutense de Madrid. Un porte-parole de l'université en question aurait néanmoins réfuté cette information, selon un journaliste de Mashable sur Twitter. El Mundo a par la suite retitré son article «Où est passé Excalibur?» -- un chien qui ressemble de plus en plus au chat de Schrödinger.
Comparée aux plus de 3.000 décès enregistrés au soir du 23 septembre en Afrique de l'Ouest, la polémique peut certes paraître dérisoire, comme le regrette notre journaliste santé Jean-Yves Nau. Mais la décision des autorités madrilènes peut également sembler démesurée.
A la suite de l'annonce, ce 6 octobre, de la contagion par le virus Ebola d'une infirmière ayant soigné en Espagne un missionnaire rapatrié d'Afrique et mort fin septembre, les autorités sanitaires de Madrid ont décidé d'abattre le chien de cette dernière. Une décision qui a provoqué la colère de son époux, dont une interview téléphonique a été publiée sur le site espagnol El Mundo:
«[Les autorités m'ont dit] que si je ne leur donnais pas mon autorisation, elles allaient saisir la justice pour rentrer chez moi par la force et sacrifier mon chien. [...] Il faut me sacrifier moi aussi? Comme on ne sait pas si je suis infecté ou non, ils vont aussi me sacrifier moi?»
Relayé sur Facebook, son refus de laisser abattre son chien a donné suite à des pétitions, ainsi à qu'un hashtag sur Twitter, #SalvemosAExcalibur («Sauvons Excalibur», du nom du chien), qui a généré 237.000 partages en à peine une journée.
Si à Madrid on explique ne pas vouloir prendre de risque, du côté des scientifiques spécialistes de l'infection, on se montre bien moins catégorique. Interrogé par le journal El País, le chercheur français Eric Leroy explique ainsi que le chien de cette infirmière ne devrait pas être tué, ne serait-ce que «d'un point de vue scientifique». Et de préciser:
«Il faut isoler ce chien, le suivre de près, étudier ses fonctions vitales, voir s'il est infecté et vérifier s'il excrète ou non le virus. C'est très intéressant d'un point de vue scientifique, et ça ne sert à rien de le tuer.»
Directeur du Centre international de recherches médicales de Franceville (CIRMF) au Gabon, Eric Leroy a contribué à l'une des seules études consacrées au rôle joué par les chiens lors d'une épidémie d'Ebola. En observant les échantillons prélevés sur 439 chiens exposés à l'épidémie de 2001-2002 au Gabon, lui et ses collègues ont observé que plus de 30% étaient porteurs du virus.
«Mais l'étude a été faite a posteriori, regrette le chercheur, à Madrid, nous tenons ici un possible cas actif à partir duquel nous pouvons apprendre bien des choses, dont notamment la façon dont les chiens peuvent effectivement représenter un foyer d'infection dans les épidémies d'Ebola.»
Si les travaux réalisés précédemment établissent que les chiens peuvent être porteurs du virus, ils ne l'identifient pas néanmoins comme «l'espèce réservoir» –l'animal à partir duquel se diffuse un agent pathogène. Ils ne seraient qu'un potentiel vecteur du virus, n'auraient qu'un «rôle de source primaire ou secondaire d’infection de l’homme», comme le résume cette thèse présentée en 2007, dont Eric Leroy, mais aussi Sylvain Baize, le directeur du Centre national de référence (CNR) des fièvres hémorragiques virales, de l'Institut Pasteur de Lyon (avec qui nous nous étions longuement entretenu en août dernier), ont été les examinateurs.
Début août toujours, nous précisions que l'origine d'Ebola a longtemps été méconnue:
«Jusqu'à récemment, précise Médecine tropicale, véritable bible en la matière, on ignorait jusqu'aux origines, (ou “réservoir”) de cette maladie –que des études associent désormais aux chauves-souris. De même, des incertitudes existent sur la transmission d'Ebola.»
Ce 8 octobre, Jean-Yves Nau rapportait que si «la source initiale du virus [restait] inexpliquée» selon l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), «les études de terrain et les enquêtes épidémiologiques démontrent que les réservoirs naturels de ce virus pourraient être des roussettes (espèces de chauves-souris) qui hébergent le virus sans présenter de signes cliniques».
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