miércoles, 20 de noviembre de 2013

SARAH MOON, une photographe de mode et une artiste


Qui est SARAH MOON

La photographe Sarah Moon naît en 1941 d’une famille juive dans la France de Vichy. Contrainte de quitter la France occupée, la famille de Sarah Moon s’exile en Angleterre. Adolescente, la jeune française y étudie le dessin. Puis, durant six ans (1960-1966), elle devient mannequin à Londres et à Paris. Dans le milieu du mannequinat, Sarah Moon commence à s’intéresser à la photographie en shootant ses amies top modèles. Elle finit par abandonner le mannequinat pour se consacrer exclusivement à la photographie en 1970.

Une enfance difficile qui a influencé son style
Si Sarah Moon ne parle jamais de son enfance, celle-ci a sûrement influencé son style. Certains clichés de la photographe suggèrent une souffrance de l’artiste, voire même une peur, un enfermement. Sarah Moon écrira même « Depuis 20 ans, je fais presque toujours la même photo. Une photo de mode. Une robe, une femme, ou plutôt une femme, une robe. Dedans – dehors – debout – assise – plus près – plus loin – à l’ombre ou au soleil l’été – l’hiver – peu importe. Je photographie le privilège – l’évanescence – l’improbable ou la beauté – j’y cherche l’émotion et la quête en est d’autant plus désespérante. Souvent j’envie ceux qui savent photographier la vie. Moi je la fuis (…) ».



Ses photos sont uniques et reconnaissables entre mille. Caractérisées par un flou artistique, les photographies de Sarah Moon sont souvent en mouvement, comme si elles ne comportaient pas de premier plan fixe. Les visages de ses modèles sont généralement effacés ou baissés, les yeux sont fermés. Certains sont même amputés, démembrés. Il y a, dans les clichés de Sarah Moon, de nombreuses références aux années 30. Notamment dans l’aspect des clichés : il n’y a pratiquement pas de blanc, certains sont abimés, grattés, salis, comme s’ils avaient été pris il y a plus d’un demi-siècle. D’ailleurs, le travail que joue Patrick Toussaint, son comparse, lors du développement de ses clichés est capital.
Les clichés développés par celui-ci sont volontairement dégradés pour leur donner leur aspect de vieilles photos: tâches, griffes et autres accidents. Les photographies de Sarah Moon ne cherchent pas à rendre compte du réel, mais plutôt à le récupérer: "Mes photos sont de la fiction plus que de la réalité. Je change la fiction de mon sentiment."

Campagnes Cacharel, Dior et Chanel
C’est au travers des campagnes de Cacharel que Sarah Moon se fait un nom dans le monde de la mode. Durant 20 ans, la photographe signe les campagnes publicitaires – photos et films – de la marque de prêt-à-porter née en 1962. S’en suivent des photographies pour Chanel, Dior, Pirelli, Comme des Garçons ou VogueSonia RykielChristian Lacroix ou Issey Miyake la solliciteront également. Sarah Moon capte une femme nouvelle, mettant en exergue des regards et des attitudes plus qu’un physique.
Quinze ans après ses débuts dans la photographie de mode, Sarah Moon se lance dans une carrière plus artistiques pour photographier Paris sous toutes ses coutures, en noir et blanc. A ce moment là, elle adopte le polaroid noir et blanc avec négatif. Elle en profite également pour se consacrer davantage à sa carrière de réalisatrice. Elle signe plusieurs films parmi lesquels « Mississipi », son premier long-métrage en 1990, « Contacts » (1994), « Lumière et Compagnie » (1996), « J’ai choisi cette photo… » (2000), « Circus » (2002), « Le Fil Rouge» (2005) ou « La Sirène d’Auderville » (2007).
Pour son remarquable travail tant dans la photographie que dans la réalisation de films, « la reine du flou » sera récompensée à de nombreuses reprises. En 1979, elle reçoit le Lion d’Or pour ses films publicitaires pour Cacharel, prix qu’elle recevra à nouveau en 1986, 1987 et 1989. En 1995, elle est récompensée du Grand Prix de la Photographie de Paris. En 2007, elle obtient le Prix du Public de Moscou. L’année suivante, elle reçoit le Grand Prix de la société allemande de photographie, et le Prix Nadar.

Un entretien avec Sarah Moon à L'Express
Parlez-nous de la photo de mode.
C'est un exercice difficile: la répétition de la situation, une femme, une robe et la page blanche du studio. Il faut essayer de trouver la porte de sortie d'un lieu qu'on connaît par coeur, d'échapper aux conventions. Dans la série pour L'Express Styles, je retiens ce que je n'avais pas prévu: les chaussures devenues un paysage abstrait et la femme de dos en robe rouge, quand son geste l'amène là où je ne fais que passer un instant. 


Vous avez publié vos premières images dans L'Express en 1967...
Quand j'étais mannequin, j'ai posé dans L'Express pour le photographe Jean-Régis Roustan. Un mercredi où il était malade, il a demandé au journal de me laisser faire les photos, car il savait que je prenais les mannequins autour de moi, avec un Nikon qu'on m'avait prêté. J'ai photographié une amie, Ingeborg Prinz, et mon fiancé de l'époque, près de la cascade du bois de Boulogne. Franca de Mailly et Alice Morgaine, qui s'occupaient des pages, m'ont demandé de trouver une signature pour ces deux clichés en noir et blanc. Je ne voulais pas utiliser mon nom de mannequin, Marielle Hadengue. J'ai choisi Sarah, l'un de mes prénoms, et, en énumérant en rigolant une liste de mots, je suis tombée sur Moon. Sarah Moon, elles m'ont dit que c'était un très beau nom. 


Et votre style?
Au début, je n'avais pas conscience d'un style. Je faisais des photos où tout était plein, dans un décor en lumière du jour. J'ai eu envie de faire du studio en découvrant celui d'Irving Penn, rue Boissy-d'Anglas, baigné par une lumière du nord. C'est là que j'ai fait ma première série de mode pour 20 ans, avec des fleurs dans le plancher (photo ci-contre). A la suite de ça, l'éditeur Robert Delpire a demandé à me rencontrer. Nous ne nous sommes pas quittés depuis. Mon style a évolué plus tard par le sujet, plus noir, plus minimaliste, et moins dans la séduction. Il y a des thèmes qui m'intéressent indéfiniment, comme l'envers du décor dans les cirques, les théâtres ou les spectacles en tout genre. 


Vous n'avez jamais voulu photographier le réel?
Je crée des situations qui n'existent pas. Je cherche la vérité de la fiction. Je serais incapable d'être reporter ou de photographier quelqu'un sans son consentement. Une image de mode, c'est l'évocation d'une femme à partir de son vêtement et d'une somme de détails comme sa gestuelle, la courbe de sa nuque, les plis de sa robe... C'est l'instant d'un film que je ne ferai pas. 

Vous vous êtes protégée des tendances.
Elles sont très répétitives et uniformes, ces dernières années: il y a une économie de matières, tout est très petit, sans volumes. Je n'ai jamais pu photographier un jean, je ne sais pas quoi faire avec... L'arrivée des Japonais dans la mode m'a beaucoup touchée: l'architecture du vêtement et la manière dont ils ont adapté la silhouette asiatique à l'Europe. Ils ont gardé leur intégrité, tout comme Alaïa, et son évocation d'une femme terriblement sensuelle et pas tellement dévoilée. Que ce soit en architecture, en peinture ou en mode, j'ai toujours aimé l'invention des années 1930. 
Parlez-nous de vos couleurs.
C'est un autre langage, plus ouvert. Je ne les vois pas comme elles sont dans la nature. J'ai toujours pensé l'aimer très vive et, récemment, j'ai photographié des tonalités passées. Je n'en ai jamais fini! 
Et votre noir et blanc?
C'est une communication intérieure, proche de l'introspection. Il est légèrement viré, chaud mais sans trop de dominante, parce que je n'aime pas le bleu qu'on y trouve, ni le magenta du sépia. 

Le portrait selon Sarah Moon?
C'est la rencontre qui fait exister la photo. On est tributaire de l'instant. Mon regard n'est pas agressif, j'ai besoin d'un peu d'empathie pour la personne.  
Vos dernières photos?
Le portrait du fils d'une amie, Gaspard Martinovic, un jeune homme de 15 ans qui veut faire du théâtre. Et deux jeunes voisines que je trouve très émouvantes.
Une citation qui vous ressemble?
Ces mots de Fernando Pessoa: "Ce que nous voyons n'est pas fait de ce que nous voyons, mais de ce que nous sommes." 















Illustration du conte de Charles Perrault de Le Petit Chaperon Rouge



 



Une interpretation très moderne du conte de Perrault

Sarah Moon et sa petite actrice sur le set du tournage.


Les publicités pour Cacharel



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